Depuis le centre ville suivre le panneau « oasis », franchir l’oued d’Assa et vous découvrirez le vieux ksar d’Assa sur la crête rocheuse, ballades à pied dans le ksar (en cours de réhabilitation) où vous pourrez découvrir quelques gravures qui méritent votre attention.
Description du site d’Azrou Klane
Au sud-ouest du Maroc, entre Guelmim et la vallée du Drâa, la dalle d’Azrou Klane est située au fond d’un oued asséché, du nom de Elmatboaa. Cet oued déroule son cours entre deux écailles de grès qui affleurent à cet endroit. La dalle de grès brun mesure 140 m de long sur 20 m de large. Elle est couverte de plusieurs milliers de gravures de la préhistoire récente à nos jours (fig. 3). Et c’est là ce qui lui vaut son nom de “pierre tatouée” (Azrou Klane). La dalle étudiée est la principale concentration au sein d’une continuité de sites qui s’étend sur presque un kilomètre
On y trouvera des gravures de style dit bovidien de style amazighe ou libyco-berbère, de la période moderne et contemporaine. Le site témoigne d’une longévité exceptionnelle de la pratique de gravure qui suscite l’ambition scientifique d’en appréhender toute la profondeur chronologique, sans négliger jusqu’aux expressions les plus récentes.
Azrou Klane est situé au sein d’une aire pastorale entre la tribu arabophone des Aït Oussa et celle berbérophone des Aït Brahim. Durant l’été, la dalle est toujours un lieu de campement et de réunion annuelle des fractions de la tribu sahraouie des Aït Oussa.
Historique des recherches
Le site est connu depuis longtemps. Il est possible qu’il soit l’un des premiers sites rupestres signalés au Maroc. Il a été mentionné pour la première fois par le Rabbin Mardochée en 1875. C’est lui qui donne ce nom d’Azrou Klane au site. Seules les gravures médiévales, surtout celle représentant probablement un voilier et les figures anthropomorphes ont attiré l’attention.
La chronologie du rupestre sur le site d’Azrou Klane
Quatre phases stylistiques au moins peuvent être identifiées sur la dalle. Elles donnent lieu à de très nombreuses superpositions de gravures qui permettent d’établir une chronologie relative. Le problème majeur de l’art rupestre saharien reste la difficulté à le dater. Seules des circonstances et des configurations très particulières permettent exceptionnellement de pouvoir obtenir des datations radiométriques. Ces configurations ne se sont pas encore rencontrées dans l’art rupestre marocain dont la chronologie reste totalement flottante.
Le style le plus ancien présent sur la dalle est celui qualifié de Bovidien en référence à ce style très connu au Sahara Central. On estime qu’il remonterait à la fin de la Préhistoire, entre 3 000 et 1 000 av. J.-C.
Une phase moyenne correspond à l’étage dit amazighe ou libyco-berbère. Il correspondrait approximativement à la période médiévale, entre 500 et 1 500 ap. J.-C.
Leur succèdent une phase moderne puis contemporaine. Des gravures ont été ajoutées entre les différentes campagnes de relevé de la dalle, montrant son caractère toujours évolutif.
Les gravures contemporaines et sub-contemporaines sont très variées et il est difficile d’en dresser une classification. On peut tout du moins déjà distinguer quatre grands types de gravures récentes : les signes (croix, fer à cheval, étoile…), les objets ou parties du corps (sandale, serrure, clef, empreinte de pied ou de main, voiture…), les scènes dessinées (comme celle d’un mariage), et les écritures (principalement en arabe).
Parmi les signes, on relève la présence de dessins représentant les marques au fer rouge faites au cou ou à la cuisse des dromadaires par chacune des tribus nomades de la région. Une lettre arabe ou une croix, avec ou sans point, en haut ou en bas, une patte d’oiseau, toutes ces marques de bétail ont valeur de signifiant pour chaque tribu. Concernant les inscriptions récentes en arabe, mais aussi berbère ou français, certaines se résument à un simple prénom daté, d’autres à une citation du coran mais toujours non signé, et une partie qui reste incompréhensible.
D’un point de vue patrimonial, l’exemple d’Azrou Klane nous montre que la patrimonialisation de l’art rupestre saharien ne semble pouvoir être assurée qu’en prenant en compte l’engagement culturel dont témoignent les populations locales envers ces sites, paramètre souvent négligé pour interroger leur permanence : les représentations sociales liées à l’art rupestre, les rituels s’y déroulant, les traditions orales les interprétant, les pratiques agropastorales et le rapport au territoire. L’enjeu majeur est de comprendre et traduire les perceptions locales des compositions graphiques. Pour ce faire, il s’agit de croiser l’étude des signes graphiques avec une analyse des discours et inférences des populations locales à leur propos. Les gravures sont une des formes d’expression qui a permis aux groupes et aux générations de se signifier leurs différences, et ce jusqu’à aujourd’hui comme en témoigne la présence sur la dalle d’Azrou Klane des marques de troupeaux propres à chaque tribu. Ainsi, l’accumulation des gravures est une accumulation de schémas cognitifs de représentation de soi et de l’autre, de rapports à l’environnement et de schèmes culturels d’interprétation qui n’ont cessé de s’influencer et d’évoluer en concomitance.
L’analyse des politiques et processus de patrimonialisation de l’art rupestre actuellement mis en œuvre et des jeux d’acteurs qu’ils suscitent révèle le fossé qui existe au niveau des représentations et des perceptions autour des images et des paysages rupestres, entre les experts et décideurs d’un côté, et les populations locales de l’autre. La prise en compte de la continuité graphique dans l’art rupestre marocain est un argument majeur pour alimenter le débat sur la place réservée aux populations locales dans la patrimonialisation et la valorisation touristique du territoire, les modalités de gouvernance des sites rupestres.